Auditorium Maurice Ravel –
Le mardi 23 janvier 2024 à 18h30 –
Au programme de l’Auditorium de Lyon les 16 et 17 février 2024, la 8ème Symphonie d’Anton Bruckner. Dans cette perspective, Éric Chaillier était venu pour nous présenter cette partition monumentale, originale et tragique. Après avoir entendu l’œuvre, Wagner n’hésita pas à désigner Bruckner comme le plus grand symphoniste de tous les temps, alors que Beethoven était encore la référence absolue.
« Pour bien comprendre un compositeur, il faut chercher à entrer dans sa vie » nous dit notre conférencier : nous apprendrons qu’Anton Bruckner est né en 1824 à Ansfelden (Haute Autriche) près de Linz, d’une famille d’origine modeste, père instituteur et de parents musiciens amateurs. L’adolescence d’Anton se déroule à la campagne entre l’église, l’école, les bals de village et les auberges. Très vite l’enfant dévoile une passion pour la musique en même temps qu’une véritable fascination pour l’orgue. A quelques kilomètres de chez lui, l’abbaye de Saint Florian, authentique joyau d’art baroque, devient son refuge, sa seconde patrie. Cette relation singulière entre le monde profane et le monde sacré transparaîtra dans la plupart de ses œuvres : une musique d’une candeur toute naturelle, sincère, aux effets statiques, contemplatifs, une qui n’emballe pas facilement son public. Bruckner se révèlera un homme de paradoxe, de doute et de détermination : l’histoire de cette huitième symphonie en est une parfaite illustration.
Nous sommes en 1884, Bruckner, porté par le succès de sa septième symphonie, se lance dans une nouvelle aventure : écrire une huitième symphonie. Conçue dans l’enthousiasme, elle s’achèvera néanmoins trois années plus tard sur une profonde déception : son ami et chef d’orchestre Hermann Lévi qui avait pourtant amené la précédente au triomphe, refuse de diriger cette nouvelle partition. Il la juge trop longue, aux harmonies souvent trop audacieuses, trop dissonantes. Nous sommes en 1887. Affecté, mais déterminé Bruckner retravaille et remanie pendant plusieurs années encore les différents mouvements. Une seconde version est créée à Vienne en 1892 au Musikverein sous la baguette de Hans Richter. C’est un triomphe. Plus courte, moins austère, l’œuvre se voit qualifiée de « sommet de la symphonie romantique », de « symphonie des symphonies » et Anton Bruckner rejoint les génies de la symphonie. Wagner reconnaîtra en lui le digne successeur de Beethoven.
Eric Challier nous propose quelques extraits significatifs : une écoute comparative des deux versions dont il commente les différences : exercice subtil, pas toujours facile à saisir mais au demeurant fascinant.
L’œuvre proposée aux Lyonnais est la huitième symphonie dans sa version initiale de 1887 et que l’on soit intrigué, curieux ou passionné, nul ne peut être déçu. Gardons en mémoire les quelques mots de Pierre Boulez cités par notre conférencier (extraits de la revue Diapason n°583) à propos de Bruckner et de ses symphonies …ses constructions m’impressionnent, peu d’œuvres évoquent à ce point l’architecture et en même temps, il y a quelque chose d’incertain, un questionnement qui donne à cette architecture son aspect si humain…
Éric Chaillier s’est exprimé avec élégance et passion. Les chaleureux applaudissements témoigneront de l’intérêt qu’il a suscité durant toute cette soirée.
Françoise Mangez
Les intervenants

Diplômé de Sciences Po Paris, Éric Chaillier anime des séminaires sur des thèmes musicaux en entreprises et en écoles de commerce. Après de nombreuses années consacrées à promouvoir l’homme dans l’entreprise, il a décidé de travailler au service de ses compositeurs préférés, de faire connaître leurs plus grandes œuvres, de faire le lien avec leur vie et le contexte dans lequel ils ont vécu. Il enseigne l’Histoire de la musique à l’Université populaire de Lausanne et figure notamment parmi les conférenciers des Cercles francophones Richard Wagner. A propos d’Anton Bruckner, il a rédigé un certain nombre d’articles et, en 2019, une revue complète ‟Anton Bruckner entre terre et ciel” qui analyse la part relative du sacré et du profane dans sa musique.