Auditorium Maurice Ravel –
Le mardi 24 janvier à 18h30 –
Pourquoi l’alto ? En effet, pourquoi traiter de cet instrument noyé dans la foule des cordes, et moins souvent mis à l’honneur que le violon en tant que soliste ? Bref, un instrument à redécouvrir !
La réponse à cette question fut l’intérêt majeur de cette passionnante conférence, fruit de l’expérience personnelle, à la fois émotionnelle et sensitive que nous a transmis Fabrice Lamarre, co-soliste du pupitre ‟alto” de l’ONL. C’est bien ainsi que notre altiste défendit avec enthousiasme son instrument en maniant l’archet et les pizzicati ! Pour illustrer son propos, il porta d’emblée son choix, sur la confrontation physique entre deux instruments présents à ses côtés : un violon et son alto personnel.
Sans se perdre dans des détails techniques : le poids, la taille, l’archet différent, 3 cordes communes avec le violon et une différente : corde en mi pour le violon et une plus grave pour l’alto, tout détail que chacun peut retrouver facilement sur internet, notre artiste enfourcha alternativement ses 2 instruments sous le menton, afin de nous faire comprendre à première vue et dès la première écoute que l’un était plus gros et plus grave que l’autre et qu’il fut considéré au départ, comme un instrument imparfait, une sorte de « vilain petit canard » dans le pupitre des violons !
Une seconde écoute, enregistrée celle-ci, avec une sonate, violon + alto de Bach ; puis les concertos violon-alto de Saint-Saëns et de Rachmaninov nous a conduit à juger avec plus de subtilité la différence de timbre de ces deux instruments : l’un plus chaud, plus rond et plus sphérique que l’autre, avec une autre brillance.
L’histoire de l’alto nous a permis de comprendre combien et comment celui-ci a pris progressivement son indépendance. Depuis le Rebec, au 9e siècle, à l’époque de Charlemagne et aux premiers temps des cordes frottées, ces instruments à 3 cordes palliaient à la voix et durant les XVème et XVIème siècles, les violes de gambe, les lyres, puis les violes de bras ont laissé progressivement la place au XVIIème à l’Alto. A l’époque les deux écoles italiennes de Crémone et Brescia tenaient la dragée haute et les plus grands luthiers, équivalents de Stradivarius, se faisaient concurrence pour améliorer l’instrument.
Avec Vivaldi le répertoire change et à partir du XVIIème siècle l’alto commence à jouer son rôle comme l’illustrent des extraits des « Quatre saisons » ou un « Concerto pour Alto » de Telemann ou encore les « Brandebourgeois » !
La période classique semble laisser tomber en désuétude cet instrument. Et pourtant Mozart qui fut altiste, le remit à l’honneur en particulier dans sa « Symphonie concertante « (1779) où l’alto devient une voix de ténor, échangeant avec un violon en voix de soprano !
Puis viendront Brahms, Schubert et Schuman qui valoriseront aussi ce « mal aimé » et surtout Berlioz avec « Harold en Italie », cette symphonie en 4 parties (dont Harold en montagne) avec alto principal, (Paganini était d’ailleurs un grand admirateur de Berlioz).
Le XXème siècle n’est pas en reste si l’on en juge par le final du concerto de Bartok mettant encore l’accent sur le côté vocal de l’instrument et Richard Strauss dans son Don Quixote où ce dernier dialogue avec son compagnon Sancho Panza, rôle tenu par l’alto solo.
L’alto moderne a ses propres vedettes dont Lionel Tertis, William Primrose, Paul Hindemith et Maurice Vieux qui ont su remettre à l’honneur leur instrument en montrant son caractère virtuose à l’instar de son petit frère le violon.
Ainsi à travers le discours enthousiaste, vivant et vibrant de notre conférencier, à travers de nombreux exemples musicaux en direct et aussi enregistrés, nous avons redécouvert toute la magie de cet instrument « vocal » qu’est l’alto.
Merci à Fabrice Lamarre pour son excellente conférence et la transmission de cette émotion musicale.
Il est difficile de conclure cette « relation » de conférence, sans évoquer le concert que nous a offert l’ONL le 2 mars 2023 rendant ainsi hommage à l’instrument vedette du jour avec son chef, le brillant violoniste Nikolaj Szeps-Znaider et Pinchas Zukerman, lui-même chef d’orchestre et virtuose de l’Alto dans la Symphonie concertante pour violon et alto de Mozart et le Don Quixote de Richard Strauss.
Patrice Euvrard
Le conférencier

La conférence-atelier sera réalisée par Fabrice Lamarre, alto co-soliste de l’Orchestre national de Lyon, avec le luthier du musicien. Fabrice Lamarre, après des études de violon au Conservatoire à Rayonnement Régional d’Amiens, se consacre à l’alto, qu’il étudie au Conservatoire à Rayonnement Régional de Boulogne-Billancourt. Il se perfectionne au Conservatoire National Supérieur Musique et Danse de Lyon dans la classe de Gérard Caussé.