Mardi 25 avril 2023 – Offenbach ou l’empereur de l’opéra bouffe par Patrick Favre-Tissot-Bonvoisin

Compte-Rendu

La conférence de Patrick Favre-Tissot-Bonvoisin nous a fait vivre deux heures haletantes, à l’image de la vie trépidante d’Offenbach, avec une véritable représentation théâtrale, jouée, mimée et déclamée par notre « Bouillant Achille » et brillant conférencier. En faire une relation circonstanciée est tâche difficile. Tout au plus peut-on dresser quelques jalons de la carrière et de la traversée du « Grand Jacques » dans le Second Empire où se mêlent humour à tous les degrés et une certaine grivoiserie.

Jakob est né à Cologne dans une famille juive, les Eberst, originaire de la ville d’Offenbach sur le Main ». En 1808, la famille adopte le patronyme d’Offenbach. Deuxième d’une fratrie de dix, le petit Jakob se montre doué pour la musique, pratiquant plusieurs instruments dont le violoncelle.

Alors que Vienne est à l’époque la capitale de la musique, c’est à Paris, le Paris de Louis Philippe, que le destin du jeune homme le portera. D’abord rejeté par Cherubini, directeur du Conservatoire en raison de son trop jeune âge et sa nationalité prussienne, il fut ensuite accepté pour son talent. Ce grand jeune homme, très haut, très maigre, au fort accent, caricaturé par Nadar a le virus du théâtre. Il est remarqué par Fromental Halévy, puis en 1837 par Johann Strauss et le baron Friedrich von Flotow. Jakob devient alors Jacques ! Notre violoncelliste bientôt surnommé par sa virtuosité le « Liszt du violoncelle », écrit pour son instrument (on peut citer un concerto pour violoncelle et orchestre). En 1839, il débute à la salle du Palais Royal. En 1844 il se convertit au catholicisme et se marie avec Herminie Marie Manuela de Alcain dont il aura quatre filles et un fils. En 1850, il est chef de la musique au théâtre de la comédie française. En 1851, à la fois coup de théâtre et coup d’état, Louis Napoléon devient empereur par un large plébiscite et sera sacré en 1853.

Tout bascule alors. On veut rire au théâtre et la loufoquerie prend le dessus. Offenbach fonde le petit théâtre Marigny avec des petites œuvres, genre Pépito ou Les Deux Aveugles avec 3 acteurs et peu de musiciens, puis Ba-ta-clan. Ce sera la collaboration avec Ludovic Halévy, le neveu de Fromental ; Hortense Schneider est la grande vedette du moment. Le théâtre des Bouffes parisiens vient de naître. L’empereur, consacre Offenbach et dès 1858 ses œuvres prennent de l’ampleur. Mesdames de la Halle et surtout Orphée aux enfers (1858), une caricature des mythes antiques, avec le célèbre galop infernal. C’est le succès. Offenbach acquiert alors sa villa « Orphée » à Etretat et, en 1860, il obtient la nationalité française.

Entre 1864 et 1868, Offenbach écrit quatre de ses opérettes les plus connues :

La Belle Hélène (1864), La Vie parisienne (1866), La Grande-duchesse de Gerolstein (1867) avec les couplets du général Boum où l’armée française est ridiculisée au grand plaisir de Otto von Bismarck, puis La Périchole (1868).

Henri Meilhac rejoint Halévy et avec Offenbach le trio HMO est formé, pour le meilleur du rire, de la caricature, de la satire avec ces fameux effets syllabiques. Les propos grivois, les échanges coquins vont bon train comme dans Pomme d’Api. C’est le succès ! D’autant que l’exposition universelle (1867) est passée par là avec une nouvelle diva, Zelma Bouffar. Impossible d’énumérer toutes les œuvres du « petit Mozart des champs Elysées » comme le nommait Rossini, tant elles furent nombreuses. Citons cependant Monsieur Choufleuri restera chez lui, livret du duc de Morny, deuxième personnage de l’Empire qui sera le parrain de son unique fils Auguste. Barbe Bleue, Les Brigands et L’île de Tulipatan leur succéderont. Tout est prétexte à une satire de la musique du temps : Donizetti, Auber et Wagner (couplets du Sabre de mon père dans La Grande Duchesse de Gerolstein ou encore dans Les Brigands). Survient alors la défaite de Sedan (1870). La princesse Eugénie rejette Offenbach qui se réfugie en Espagne. Ce sera l’avènement de la IIIème République et la montée de l’antisémitisme. Après 1871, les succès deviennent moins nombreux. Notre Maestro prendra la direction du théâtre de la Gaité et écrira encore Le Roi Carotte, Le voyage dans la lune, Madame Favard, La Fille du tambour-major. L’esprit a changé, finies les « bouffonneries ». L’opéra-comique remplace l’opéra-bouffe ; les opérettes viennoises sont à la mode et bientôt la véritable opérette adviendra avec Lecoq, Audran, Planquette, Varnay puis, après 14-18, Christiné avec Phiphi.

Le périple terrestre d’Offenbach s’achève en 1880, il a 61 ans. Il a assouvi ses trois passions : le jeu, l’Amour et les femmes. Avec ses frivolités et ses facéties, il n’est pas que le monsieur « Pif Paf Pouf » ; derrière cela se cachent aussi une grande tendresse et sensibilité comme en témoignent certaines de ses mélodies : L’Air de Fortunio et l’Air de la Lettre dans La Périchole sans oublier la Barcarole des Contes d’Hoffman, l’opéra fantastique qu’il ne verra pas, lui qui rêvait d’écrire un véritable opéra romantique !

Ainsi s’achève l’épopée de notre héros du jour si bien racontée en musique avec beaucoup d’extraits d’œuvres, illustrations vidéos et une riche bibliographie mise à la disposition des auditeurs. Merci à notre conférencier pour ce « Champagne » !

Patrice Euvrard

Le conférencier

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Né à Lyon, en 1962, Patrick FAVRE-TISSOT-BONVOISIN, musicologue, conférencier, historien de la musique, exerce sa profession depuis 1986 sur l’ensemble du territoire européen francophone. Il se consacre plus particulièrement à la musique européenne des XVIIIe et XIXe siècles. Son répertoire comprend plus de 250 conférences. Il assure, actuellement et en moyenne, 150 conférences par an. À l’automne 2016 il fête ses 30 ans de carrière et prononce sa 5.000ème conférence en septembre 2019.

 

De 2009 à 2022, on lui confie la chronique mensuelle des critiques musicales sur le site Internet d’informations culturelles lyon-newsletter.com. En Janvier 2015, le Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur & de la Recherche le nomme Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques « pour son action en faveur de la diffusion du savoir relatif à l’Histoire de la Musique en Francophonie ». En 2011, les Éditions Bleu Nuit le sollicitent afin d’écrire des biographies de compositeurs. Consacré à Giuseppe Verdi, son 1er ouvrage date de Janvier 2013. Le 2ème, sur Ludwig van Beethoven, est publié en Mai 2016. Le 3ème, dédié à Hector Berlioz, paraît en janvier 2019. En décembre 2020, il participe sur France 3 à l’émission télévisuelle de Stéphane Bern Secrets d’Histoire, consacrée à Beethoven.