Confortablement installés dans l’amphithéâtre de l’Hôtel Charlemagne, nous sommes heureux et honorés de recevoir Jean-Christophe Branger. Agrégé de musique, Docteur de La Sorbonne, Professeur à l’Université Lumière, notre conférencier consacre ses recherches depuis de longues années autour de la Musique Française sous la IIIème République et plus précisément à l’œuvre du compositeur Jules Massenet (1842-1912). Son dernier livre «Jules Massenet, une vie au service du théâtre » paru chez Fayard vient d’être primé « meilleur livre sur la musique de l’année 2023-2024 » par le Syndicat de la Critique du théâtre, de la musique et de la danse.
Natif de Saint-Étienne, Jules a 6 ans quand la famille Massenet déménage à Paris. Sa mère est peintre et musicienne, elle lui donne ses premiers cours de piano. Il entre au Conservatoire de Paris à 9 ans. Ce sera pour le jeune garçon un parcours presque « classique » : élève doué et brillant, il obtient un premier prix de piano à 17 ans, poursuit sa formation (cours de composition, d’harmonie et de contrepoint) dans la classe de celui qui deviendra son mentor, Ambroise Thomas. Il décroche en 1863 le premier Prix de Rome. Il séjourne les 2 années suivantes à la villa Médicis et reviendra vivre, composer et enseigner le reste de sa vie à Paris. Il meurt d’un cancer à70 ans. Il repose aujourd’hui près du château d’Égreville en Seine-et-Marne.
Entre 1878 à 1896 Jules Massenet est professeur au Conservatoire National de Paris. De grands noms sortiront de sa classe : Charpentier, Chausson, Enesco, Hahn, Koechlin, Magnard, Pierné, Rabaud ou Schmitt. Tous ont unanimement loué les vertus pédagogiques exceptionnelles de Massenet, son intérêt pour les arts et la littérature. Massenet respectait la personnalité de chacun de ses élèves. Sans jamais rien leur imposer , il les aidait à développer leurs propres talents.
A cette époque, le wagnérisme et les Italiens dominent et la page du romantisme se ferme.
Massenet prendra pour objectif de revivifier l’opéra français. Il interroge « son temps », vante les vertus de l’exotisme, magnifie les piliers de la littérature, française ou étrangère. La féminité et la religion seront ses thèmes de prédilection, autant de sujets-reflets d’une société française alors en crise.
Travailleur acharné, Massenet nous laisse une œuvre éclectique fort intéressante : de nombreuses pièces pour piano, 9 suites d’orchestre, un concerto pour piano, 300 mélodies, 4 oratorios et 26 opéras …. A noter que s’il a régné à l’Opéra-Comique, ses ouvrages seront beaucoup moins bien reçus à l’opéra Garnier.
L’esthétique de Jules Massenet sera celle du « juste milieu », un lyrisme qui n’appartiendra qu’à lui seul. Inimitable et louée aujourd’hui par tous nos grands interprètes, sa « phrase vocale » expressive transpose subtilement en musique ce que l’on dit en parlant, ajoutant à la mélodie grâce, charme, souplesse et sensualité. Massenet rejoint les figures emblématiques de l’époque d’un Fauré, Saint Saëns ou Gounod. La musique de Massenet est d’une élégance toute française. On peut par ailleurs s’interroger : l’absence des œuvres Massenet au sein de la programmation des grandes maisons philharmoniques est dommageable, que connaissons-nous de ce compositeur hormis le succès incontesté de
Manon et Werther et quelques-unes de ses délicieuses mélodies ? La vie musicale « française de cette fin du XIXème est malheureusement encore trop en retrait.
La conférence nous a appris beaucoup de choses, les extraits proposés n’ont pu qu’exciter notre curiosité. France terre de synthèse : l’œuvre de Massenet témoigne d’une époque, d’une vie musicale intense et passionnante. Il nous tarde de mieux la découvrir ! Le temps est passé très vite, trop vite…. de très longs et chaleureux applaudissements témoigneront du bonheur que Jean Christophe Branger nous a offert ce soir. Nous le remercions très sincèrement.
Françoise Mangez