Auditorium Maurice Ravel –
Le mardi 2 mai 2023 à 18h30 –
‟Beethoven et Son Temps”
La connaissance de la Musique ne peut se réduire à l’étude structurelle d’une partition : Elisabeth Brisson, historienne patentée, s’exercera avec passion à mettre en lumière cette période charnière, vibrante et singulière, entre Révolution et Restauration dans laquelle Beethoven a vécu. Un nombre impressionnant d’archives et de photographies accompagneront ces propos éclairés.
Beethoven est issu d’une famille de musiciens d’origine flamande. Il nait en décembre 1770 à Bonn, ville de résidence des Princes-Électeurs de Cologne. Son grand-père est maitre de Chapelle de l’archevêché de la ville et son père hautboïste et ténor au sein de l’orchestre de la Cour. L’enfant grandit dans un univers très stimulant : théâtre, bal, orchestre…. Conscient des talents exceptionnels du jeune Ludwig, son père confie à Christian Gottlob Neefe, compositeur, chef d’orchestre et organiste de la cour la formation musicale de son fils et demande à Grossmann , le directeur de la troupe du Théâtre, de le prendre sous sa coupe. A 14 ans Beethoven est chef de chant ou cembalist, en charge d’accompagner les chanteurs. Il est aussi professeur de piano des enfants von Breuning de 1784 à 1792, famille très musicienne dont la bienveillance et l’amitié lui permettent d’intégrer les cercles de la bourgeoisie de Bonn, d’ y apprendre les usages et de cultiver sa passion pour la littérature et la poésie. Beethoven ne manque pas non plus d’y séduire la noblesse, le Comte de Waldstein, diplomate viennois en poste à Bonn le prend sous sa protection.
A Bonn, les idées nouvelles se diffusent, l’Aufklärung exprime les idées de la bourgeoisie allemande montante, son exigence de liberté individuelle et de démocratie, des idées qui rejoignent celles de la Révolution Française. En 1792, Le Comte de Waldstein présente son jeune protégé à Joseph Haydn de passage à Bonn et quelques semaines plus tard, lui adresse ce mot : Cher Beethoven, vous allez à Vienne… Recevez des mains de Haydn l’esprit de Mozart.. Beethoven quitte alors Bonn pour Vienne qu’il ne quittera plus et complète sa formation auprès des plus grands compositeurs viennois : Haydn, Saliéri, Albrechtberger, Schenk. Beethoven dédiera au comte de Waldstein sa Sonate pour piano no 21 en ut majeur op. 53.
A Vienne les idées progressistes arrivent lentement. Beethoven, républicain convaincu, compose pour diffuser un idéal, l’expression d’un « Je » libérateur à l’encontre de la soumission, il met ses talents au service de ses convictions : Aimer la Liberté par-dessus tout. Ses modes de composition surprennent, on citera ce soir, la sonate à Kreutzer pour piano et violon opus 47 qualifiée à l’époque de « terrorisme artistique », ces concertos pour piano sont les prémices de la Musique Romantique. Initialement dédiée à Napoléon Bonaparte il renoncera à la dédicace de sa symphonie n° 3 opus 55 lorsqu’il apprend que le Premier Consul s’est fait couronner empereur : la symphonie est finalement dédiée « à la mémoire d’un grand homme ».
Concerts privés et publics, la musique de Beethoven vibre dans les salons de l’Europe entière, il pourra compter sur de nombreux mécènes de l’aristocratie. L’édition musicale se développe, Beethoven tient à ce que ses partitions soient imprimées, distribuées et vendues. Premier musicien indépendant il négocie directement avec les éditeurs à Vienne, Paris ou Berlin (les maisons Artaria, Steiner, Schlesinger , Diabelli , Breitkoff et Härtel, Peters). Les relations qu’il entretient avec les facteurs de pianos relèvent également de pratiques d’un véritable homme d’affaires, mettant en compétition les différents facteurs, vantant les avantages des uns et ne cachant pas sa préférence pour les pianos Broadwood anglais et Erard de facture française. La puissance du jeu de Beethoven, celle de ses élèves, obligera les facteurs à élargir leur clavier à 6 octaves, à repenser la construction du coffre, de la table d’harmonie et la mécanique. Le son deviendra alors plus plein, plus long et plus romantique que celui du pianoforte classique viennois.
Quelques mots sur l’impressionnante bibliothèque que laissera Beethoven, homme que la pensée a toujours interpelé et pour qui la curiosité était le devoir de tout artiste. La littérature, celle des Antiques ou des Modernes, sera la source par excellence de ses inspirations Il mettra sa puissance créatrice au service de son art et de ses convictions, celles de la Liberté. Notre conférencière évoquera la pièce dramatique de Goethe, l’ouverture d’Egmont, ce prince qui préfèrera la mort à la soumission, ou encore la mise en musique de l’Ode à la Joie du poète Schiller, final de la neuvième symphonie dont personne ne niera le pouvoir d’émotions : véritable hymne à la Liberté dont la mélodie, faut-il le rappeler, symbolise aujourd’hui l’Union européenne : une musique pour unir les hommes et apporter la liberté !
Plus de 10.000 personnes envahissent la place de l’Église de la Trinité à Vienne le jour de ses obsèques ce 29 mars 1827 un triomphe pour cet homme dont la surdité (évocation intentionnellement tue ce soir) semblait lui avoir imposé solitude et misère ! Lui, le musicien à l’origine du grand orchestre ! Lui que peintres et sculpteurs immortaliseront également ! Le mythe de Beethoven est né : tout ce qui l’entoure reste aujourd’hui encore un sujet passionnant : grand merci à Elisabeth Brisson ! Un regret cependant, aucune illustration sonore… le poste du technicien ayant été soudainement abandonné !
Françoise Mangez
La conférencière

Agrégée et docteure en histoire, Élisabeth Brisson est à l’origine de différents ouvrages sur la musique et plus particulièrement la musique classique, tels La Musique, Opéras mythiques, La Musique classique en clair, Découvrir Wagner ou Les Airs Mythiques.
En 2000, elle est l’auteure de la thèse Le sacre du musicien : la référence à l’ Antiquité chez Beethoven. Spécialiste de l’œuvre et de la vie du compositeur allemand Ludwig van Beethoven, Élisabeth Brisson lui consacre une biographie Ludwig van Beethoven (2004) et un Guide de la musique de Beethoven (2005). En 2016, elle publie Beethoven, un nouvel ouvrage biographique.
Parallèlement à ses publications, Élisabeth Brisson est régulièrement l’invitée des émissions de France Musique et intervient comme conférencière lors d’évènements musicaux à travers la France.