LE MARDI 21 JANVIER 2025 A 18H30 – L’OPERA BAROQUE DE LULLY A CHARPENTIER – CONFERENCE DE PATRICK BARBIER

Auditorium Maurice Ravel –

Le mardi 21 janvier 2025 à 18h30 –

Compte rendu de la conférence de Patrick Barbier le 21 janvier 2025 :

L’opéra baroque de Lully à Charpentier
Le 21 janvier 2025 la Société Philharmonique de Lyon recevait Patrick Barbier spécialiste incontesté de la création musicale pendant le période dite « baroque ». De nombreux ouvrages l’attestent, tout particulièrement un Farinelli, ou encore La Venise de Vivaldi et Pour l’amour du Baroque.
Le propos de Patrick Barbier était l’évocation de la naissance, pendant le troisième tiers du XVIIème siècle, de la tragédie lyrique française, forme musicale et dramatique parfaitement codifiée, première forme de l’opéra français tel qu’il s’épanouit ensuite aux XVIIIème puis au XIXème siècle. Son exposé clair et structuré avait pour objectif – parfaitement atteint – de faire prendre conscience que
l’apparition de la tragédie lyrique française exactement au début du règne effectif de Louis XIV, n’est pas le résultat d’une génération spontanée, et encore moins celui d’une longue incubation artistique de formes religieuses et profanes, comme c’avait été le cas pour l’opéra italien, né un demi-siècle plus tôt.
Patrick Barbier montre que la tragédie lyrique française est une création politique et une « opération de communication » entreprise par un jeune monarque soucieux d’étendre son pouvoir jusque sur la création artistique. Et en 1661 l’alignement des planètes était si parfait qu’il a pu donner naissance en quelques années à l’archétype de la tragédie lyrique française. La mort de Mazarin permet au jeune roi, né en 1638, sensible à tous les arts et surtout la musique et la danse (ou il excelle personnellement), de s’affranchir de l’influence italienne. Il a dès longtemps compris le formidable outil de propagande qu’est le spectacle complet, réunissant en un même lieu et en même temps le verbe du théâtre, la musique, la danse, tous soutenus par la splendeur des costumes et des décors. Pour la musique il fait appel à Jean-Baptiste Lully, toscan arrivé en France à l’âge de quatorze ans, et qu’il connait bien depuis qu’il a disgracié la duchesse de Montpensier qui en avait fait son musicien principal. Patrick Barbier rappelle comment se constitue alors « l’équipe » au côté de Lully, constituée principalement de Molière et Thomas Corneille pour le théâtre, de Pierre Beauchamp pour la dance et la chorégraphie, Carlo Vigarani architecte italien pour les décors et les machineries.
La structure de la tragédie lyrique qui en fait son originalité, est définie rapidement : une Ouverture en deux parties, la première sur un rythme pointé, suivie d’un Prologue consacré à la glorification du monarque sans que jamais son nom ne soit prononcé. Viennent ensuite 5 Actes aux cours desquels s’affrontent les personnages et les passions, amoureuses et/ou politiques. A la différence de son cousin italien, la tragédie lyrique à la française délaisse les sujets historiques revisités, au profit d’archétypes historico-mythologiques permettant l’exploitation dramaturgique des amours contrariés et des luttes de pouvoir, et aussi un recours décomplexé au merveilleux. Les décors à « machineries » règnent sans partage…Pour servir ces spectacles somptueux, un orchestre d’une quarantaine d’instrumentistes (cordes, hautbois, flutes, bassons, clavecin, théorbe, timbales …), des chanteurs, un chœur assuré surtout par les rôles secondaires, et des danseurs. Le caractère des voix des chanteurs est très différents des voix « italiennes » : plus de castrats (ces « incommodés) mais l’emploi du « contre-ténor », ténor doté d’une voix légère faisant volontiers appel à la voix mixte pour le registre aigu, est l’une des caractéristiques majeures de ces distributions. D’autant plus que les airs à vocalises du bel canto sont totalement absents, au profit d’une déclamation lyrique continue qui rend le texte parfaitement intelligible. Car ce texte n’est plus celui d’un livret, mais bien une tragédie, dont les vers ont une scansion déterminée en étroite collaboration avec le compositeur. Dans cet exercice, Philippe Quinault se révélera inégalable. Il n’écrit pas un livret, il écrit une tragédie destinée à être mise en musique.
La conférence de Patrick Barbier, soutenue par de belles illustrations de gravures d’époque et de mises en scène actuelles, retrace alors cette éclosion rapide, entre 1661 et 1674, de la tragédie lyrique à la française. On peut retenir quelques dates majeures :
– 1661 : Fondation de l’Académie Royale de Danse
– 1664 : Les Fêtes de l’Ile Enchantée, données dans la Cour de Marbre d’un Versailles à peine ébauché.
Lully, Beauchamp, Molière (pour Tartuffe) et Vigarani, pour la gestion des décors et des machineries, sont à la manœuvre.
– 1669 : Fondation de l’Académie Royale de Musique, ancêtre de L’Opéra National de Paris.
– 1672 : Lully obtient l’exclusivité du théâtre en musique. Fin de la collaboration avec Molière, début
de la collaboration avec Philippe Quinault
– 1673 : Cadmus et Ariane, 1674 Alceste, 1675 Thésée, 1676 Atys tous de Lully et Quinault. La création d’Atys au Château de Saint Germain en Laye est l’évènement majeur de cette période. Le roi, d’emblée, adore cette œuvre qui deviendra l’opéra de Roi, repris très souvent jusqu’à sa mort, un peu oublié ensuite avant les reprises mémorables de Williams Christie et Jean-Marie Villégier en 1986.
A partir de 1682 la disgrâce partielle de Lully en raison de son homosexualité et de ses libertinages de plus en plus notoires, l’éloigne de la Cour, sans interrompre vraiment sa collaboration avec Quinault (Phaéton et Armide). Lully meurt en 1686, libérant le champ du théâtre en musique. La fin du siècle, verra ainsi enfin l’émergence de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) avec la création de David et Jonathas (1688) chez le duc de Guise, puis de Médée (1693) pour l’Académie Royale de Musique.
Cette œuvre, dernière tragédie lyrique française du XVIIème siècle, puissante et parfaitement maitrisée, souffrit d’un demi-échec très injuste, probablement en raison de son sujet et de sa charge tragique oppressante. Il faudra attendre la fin du XXème siècle pour rendre vraiment justice à ces deux œuvres majeures.
Dans sa conclusion, Patrick Barbier a justement rappelé le rôle d’André Campra (1660-1744), de Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749) et d’André-Cardinal Destouches (1672-1749) dans l’évolution de la forme dramatique de la tragédie lyrique, reprise au XVIIIème siècle avec la maîtrise que l’on sait par Jean-Philippe Rameau.
Conférence, redisons-le, très structurée, riche d’exemples et d’illustrations pour un public attentif, très intéressé et chaleureux, qui n’a pas vraiment laissé paraître sa frustration devant le défaut de qualité de la régie technique devant assurer les projections et la diffusion des exemples sonores.

Pierre Baltassat

Le conférencier

photo Patrick Barbier 4

Italianiste et historien de la musique, Patrick Barbier est professeur émérite de l’Université catholique de l’Ouest (Angers). Auteur d’une quinzaine d’ouvrages sur la période baroque et sur le romantisme, il a obtenu le Prix Thiers de l’Académie française pour son Voyage dans la Rome baroque, ainsi que le Prix Château de Versailles du livre d’histoire pour Marie-Antoinette et la musique. Il est aussi vice-chancelier de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire et président du Centro Studi Farinelli à Bologne.

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