Les concertos de Maurice Ravel entre l’instrument et l’instrumentiste 
« Who is the Boss ? » demandait le chef Leonard Bernstein avant une reprise du premier concerto de Brahms aux côtés de Glenn Gould. La question témoignait à la fois de son désaccord et de sa curiosité vis-à-vis de l’interprétation proposée par le pianiste, tout en étendant les problématiques des rapports entre orchestre et instrument soliste aux interprètes. Au XIXe siècle déjà, une dispute entre Berlioz et Paganini à propos d’Harold en Italie avait élargi le conflit au face-à-face du compositeur et du virtuose, et de ces confrontations nous pouvons peut-être entendre les échos dans les deux concertos de Ravel, dans le concerto « pour la main gauche » donné par Paul Wittgenstein en janvier 1932 à Vienne avec quelques arrangements pianistiques qui ont fort contrarié l’auteur, dans le concerto « en sol » créé quelques jours plus tard sous les doigts de Marguerite Long lors d’un concert Salle Pleyel demeuré célèbre. Notre rencontre évoquera donc les particularités formelles de ces pièces (respectivement en un et trois mouvements), leur écriture pianistique et leur magnifique orchestration, leur façon de témoigner de leur époque, des souvenirs de guerre et des goûts ravéliens. Ainsi pourrons-nous entrevoir comment Ravel, convenant que nombre de concertos n’étaient pas écrits « “pour” mais “contre” le piano », a relevé le défi de ce genre qui réclamait une musique « légère et brillante » et ne devait apparemment pas « viser à la profondeur ou aux effets dramatiques. »