Compte-rendu
Camille Saint-Saëns”, dont on a commémoré le 100ème anniversaire de la disparition en 2021, était le thème de la conférence du 8 mars 2022 à l’Hôtel Charlemagne de Claire Laplace. Conférence non seulement passionnante mais vivante car illustrée au piano par la conférencière en personne, diplômée du CNSMD de Lyon en Piano, Culture musicale et Pédagogie, et enseignante au Conservatoire de Grenoble
LA JEUNESSE DE CAMILLE SAINT-SAËNS
Camille Saint-Saëns, né en 1835, est très tôt orphelin de père, élevé par deux femmes, sa mère artiste-peintre et une tante pianiste. Dénommé ‟le petit Mozart français” il commence le piano dès l’âge de deux ans et demi puis un an plus tard écrit sa première composition. A quatre ans et demi, il accompagne un violoniste en public et à onze ans (1846), il se produit déjà salle Pleyel ! Cet homme à la mémoire prodigieuse, à l’esprit très curieux, encyclopédique, ‟touche-à -tout”, écrivain, type-même de ‟l’honnête homme” du XIXème siècle, n’apprend vraiment la musique qu’à son entrée au Conservatoire en 1848 en classe d’orgue et de composition. Il dévore alors toutes les partitions (un vrai ‟rat de bibliothèque”) et se produit à l’orgue, au piano, tout en montrant ses talents de chef d’orchestre. Il compose sa première symphonie à l’âge de 18 ans en 1853.
Dans le même temps, il échange avec de nombreux musiciens parmi lesquels (sur la base d’une série de portraits qui nous sont projetés) : Rossini ‟le bon vivant ventripotent”, Berlioz ‟le Superbe”, Liszt ‟l’élégant”, Gounod ‟le Placide” et lui-même Camille ‟l’homme réfléchi et écoutant” …
LE PIANISTE
Bien que pianiste virtuose, Saint-Saëns écrit assez peu pour le piano. 34 œuvres seulement ! Aux dires de son auditoire, son jeu est ‟perlé avec peu de pédale”. En vérité, le piano lui permet d’être un ambassadeur du répertoire de la musique ancienne et de son époque.
L’ORGANISTE
Son véritable instrument semble être l’orgue et aussi l’orchestre, si tant est que ce dernier puisse être considéré comme un instrument. En tous cas, il est à l’orgue un improvisateur de premier ordre. Titulaire de l’orgue de la Madeleine à Paris pendant 20 ans, il inaugure aussi de nombreux instruments dont celui de Saint-Sulpice et en 1885 ; l’année suivante il écrit sa célèbre ‟Symphonie avec orgue” qu’il dédicace à Liszt.
LE NATIONALISTE
Sedan en 1870, qui marque l’échec de la France devant la Prusse, est source d’un nationalisme grandissant et cette année marque (consécutivement) la rupture des relations de Saint-Saëns avec Wagner, rencontré pour la première fois en 1859, qui oublia bien vite l’ami qu’il avait encensé. Ce nationalisme grandissant va de pair avec un nationalisme musical ardemment défendu par Saint-Saëns qui créé alors la ‟Société Nationale de Musique” (Ars Gallica) montrant combien il est aussi un ‟archéologue musical” ressuscitant, à travers l’éditeur Durand, la musique française de Rameau, Lully et Gluck. Cet homme de conviction montre ainsi combien il est le ‟moteur” de la création de la musique française avec des prises de position très marquées antigermaniques parmi les Chabrier, Franck, Fauré, Chausson, Dukas, Debussy. Reynaldo Hahn.
LE ROMANTIQUE, L’ORIENTALISTE, Le VOYAGEUR
On sait peu de choses de la vie familiale de Camille Saint-Saëns, si ce n’est l’existence de deux enfants dont le décès marque profondément la vie du compositeur et si ce n’est sa vie de grand voyageur à partir de 1880 jusqu‘à sa mort en Algérie en 1921. Selon la mode de l’époque, il fréquente l’Orient, en particulier l’Egypte, l’Algérie, mais aussi la nouvelle Amérique, créant des œuvres très romantiques pour piano et orchestre que notre conférencière nous ébauchera au piano. Un dessin de la lune fait de la main de Camille Saint-Saëns sera projeté en fin de conférence pour illustrer l’intérêt de ce dernier pour l’astronomie.
Carrière étonnante que celle de cet homme aux multiples talents qui exerça pendant 75 ans son métier de concertiste et fut non seulement un compositeur mais aussi un passeur de musique. Il fut un concertiste virtuose interprète emblématique et gardien d’une certaine tradition de la musique à la française. Son catalogue avec plus de 600 œuvres est considérable tant il œuvra dans tous les domaines de la musique.
Merci à Claire Laplace qui, par sa parfaite connaissance du sujet mais aussi ses talents oratoires et de pianiste, a si bien illustré les nombreuses facettes de ce magicien de la musique qu’est Saint-Saëns.
En bonus, diffusion d’un extrait vidéo montrant Saint-Saëns dirigeant, issu d’un film de 1915 par Sacha Guitry : à revoir ici.
Œuvres interprétées :
Valse Nonchalante, op.110
Extrait du premier mouvement du Concerto n°2
Rameau : Gavotte et ses doubles, de la Suite en la, Nouvelles pièces de clavecin
Souvenir d’Ismaïlia
Extrait du deuxième mouvement du Concerto n°5, L’Egyptien
Étude op.111 N°4 – Les Cloches de Las Palmas
Aquarium, extrait du Carnaval des Animaux
Brève bibliographie :
- Portraits et Souvenirs, Saint-Saëns par lui-même, 1900 à lire sur Wikisource .
- Catalogue de l’exposition Saint-Saë Un esprit libre, 2021, BnF Editions.
- Croquer Saint-Saëns – Une histoire de la représentation du musicien par la caricature, Stéphane Leteuré, 2021, Actes Sud / Bru Zane.
- Lettres de compositeurs à Camille Saint-Saëns, Eurydice Jousseet Yves Gérard (édition scientifique), 2009, Symétrie.
- Saint-Saëns, Jacques Bonnaure, 2010, Actes Sud / Classica.
- Camille Saint-Saëns, Jean-Luc Caron, et Gérard Denizau, 2014, Bleu Nuit
La conférencière

Claire Laplace