Le mardi 28 février 2023 à 18h30 –
Pour illustrer le « Grand Siècle », celui du Roi-Soleil et célébrer le quatre centième anniversaire de la naissance de Molière, Madame Sophie Gaillot Miczka a choisi de nous présenter ce soir « Molière et la Musique » : l’évocation d’une époque unique, celle de la collaboration qui durera dix ans, entre deux Jean-Baptiste : Jean-Baptiste Poquelin alias Molière, figure emblématique de notre patrimoine littéraire et Jean-Baptiste Lully né en Italie en 1622, éduqué en France, dont les talents de musicien et de danseur avaient éveillé très tôt l’attention du jeune Louis XIV. De nombreux extraits présentés ce soir nous entraineront au cœur des fêtes somptueuses données à la cour du roi.
Si l’opéra italien était alors acclamé dans toute l’Europe pour sa virtuosité, la connivence entre Lully et Molière, l’idée d’intégrer au sein des pièces de théâtre des airs chantés, déclamés ou dansés, donnera naissance à un genre nouveau : la comédie-ballet.
Pendant onze ans, des « Fâcheux » à « Psyché » en passant par « Le Bourgeois Gentilhomme » la musique de Lully fera partie intégrante du travail dramatique du grand comédien. Molière était-il musicien ? Il connaissait la musique, il a chanté certains de ses rôles, il dansait aussi mais n’a jamais composé. Nos deux larrons, chacun à sa façon, séparés seulement par 10 ans d’âge, aimaient la comédie et aimaient en être les acteurs.
En ce temps des débuts du XVIIème siècle, le roi Louis XIV était jeune et Mazarin, pas encore trépassé. La cour vivait de Musique animée par les « 24 violons du roi » (1614). On aimait alors danser et remuer la jambe. Leur première collaboration naquit à l’occasion d’une grande fête qui valut à Nicolas Fouquet, en son château de Vaux-le-Vicomte, les foudres d’un roi qui n’avait que 23 ans. Le 16 août 1664 pour cette fête, on donna « Les Fâcheux » : musique écrite principalement par monsieur Beauchamp, maitre de ballet, mais pour laquelle Lully écrivit une « courante » chantée par Lysandre (alias Molière) de sa voix de baryton-basse. Monsieur Le Brun en fut le décorateur et Monsieur Vatel, le grand maître d’hôtel. Parmi les 600 invités figurait monsieur de La Fontaine qui en fit une relation à son ami François de Maucroix. Il y eut ce soir-là, entre-autre, de la vaisselle de vermeil, une loterie gagnante pour tous, une chasse aux flambeaux et un feu d’artifice ! Tout ce beau monde s’amusa fort, mais si Fouquet paya les pots cassés, en cette année 1664, c’est ainsi que Molière et Lully, tous deux protégés du roi, débutèrent leurs dix années de partenariat.
Un partenariat un peu obligé ! La comédie-ballet suivante, en musique et en prose, en un acte, de Molière et Lully, fut jouée au Palais du Louvre et nommée, comme un clin d’œil, « Le mariage forcé » ! En effet, Louis XIV, grand amateur de danse et grand adepte de « l’enroulé du pied » préférait les ballets à la comédie. La danse, disait-il, donnant plus de « fluidité » au spectacle. « Le Bourgeois Gentilhomme » fut créé le 14 octobre 1670 au château de Chambord. Monsieur Jourdain fut joué par l’auteur (Molière), la musique fut composée par Lully et la chorégraphie écrite de la main du maitre de ballet Beauchamps. La mode était alors aux « turqueries » et il semble que la cérémonie des turcs et le sacre du mamamouchi furent une sorte de vengeance contre l’ambassadeur turque de l’époque qui n’avait pas assez admiré le roi !
Enfin « Psyché » fut la dernière collaboration de Molière avec Lully en 1671, soit 2 ans avant la mort de notre grand dramaturge, à l’âge d 51 ans. Il est dit que pour cette dernière comédie-ballet, Molière fit appel à Corneille pour l’aider à versifier son texte. Ce fut du grand spectacle : 300 musiciens, 70 danseurs, une énorme machinerie et des costumes somptueux. Il faut écouter comme nous l’avons fait le prologue de Psyché et la magnifique plainte qui achève l’œuvre avec une voix de contralto : une nouvelle époque s’ouvre pour l’opéra, celle de la tragédie lyrique.
En 1672, après le succès de Psyché, Lully se brouille avec Molière et obtient du roi le monopole du théâtre en musique, reprend l’Académie Royale de Musique et l’enrichit de musiques de ballets, d’airs de cour créant un nouveau style : l’opéra à la française !
Molière se tourne alors vers Marc Antoine Charpentier (1643-1704). C’est ainsi que fut créé la musique du « Malade Imaginaire » et que le rideau tomba en février 1673 !
Merci à Sophie Gaillot-Miczka qui nous a raconté cette épopée des « comédies ballets » et les a musicalement parfaitement illustrées en nous faisant visionner des extraits de deux films historiques : Le Roi Danse de Gérard Corbiau et Vatel de Roland Joffé, datant des années 2000, toujours accessibles sur YouTube, ainsi que la lecture conseillée du beau livre de Catherine Cessac : Molière et la Musique.
Françoise Mangez
La conférencière
